Le grooming est le toilettage social des primates, encore appelé pseudo-épouillage, épouillage mutuel, lustrage mutuel ou allolustrage, ou service dermique (IMMELMANN, 1990).
Chacun a eu l’occasion de l’observer chez les primates, sinon dans la nature, au moins en zoo, au cinéma ou à la télévision. En résumé, le primate explore des doigts et des lèvres la fourrure d’un congénère, en faisant preuve d’une grande attention visuelle, et aussi olfactive. Il ingère de façon répétée les particules épidermiques qu’il découvre, et les poux quand il en trouve. En fait ceux-ci sont rares dans la fourrure des primates, en raison sans doute du temps considérable réservé à cette activité, dont on connaît les fonctions d’attachement et de régulation des relations sociales et sexuelles.
Plus une espèce est évoluée, plus elle consacre de temps au grooming, et moins elle enregistre de conflits internes ! De fait, les macaques rhésus se livrent à cette activité pendant 7% de leur temps, contre 30% pour les macaques thibétanas : on constate vingt fois plus d’incidents chez les premiers que chez les seconds…
Un comportement pas si bête
Le comportement de grooming existe aussi dans les sociétés humaines restées proches de la nature, où cette forme de toilettage mutuel est une pratique courante et très prisée, notamment entre amoureux (MALINOWSKI, 1930 ; EIBL-EIBESFELDT, 1979). Les poux étant bien plus nombreux dans les cheveux humains que dans la fourrure des primates, on peut vraiment parler dans ce cas d’épouillage mutuel : les poux recherchés avec attention sont prestement croqués et avalés, avec un plaisir non dissimulé, cette conduite étant parfaitement acceptée et totalement dénuée de honte dans ces cultures.
Cette tendance venant des primates est certainement inscrite dans les programmes comportementaux humains. Le grooming favorise la cohésion du groupe. Il trouve son équivalent dans les rituels, les us et coutumes, les attentions réciproques qui participent à composer les relations humaines. Transposé dans les entreprises, on le retrouve à travers les poignées de main, les visites impromptues, les mots échangés au détour d’un couloir, les pots de départ et autres réunions festives…
Sources : “Cahiers d’Ethologie”, 1998, A. DEMARET
“Ces grands singes qui nous dirigent”, 1993, M. MUZARD
Et le schmoozing dans tout ça ?
“Schmoozer, c’est nouer rapidement des contacts professionnels, trouver son chemin dans la foule des anonymes, savoir “briser la glace” avec élégance et cultiver les relations… Ce talent particulier, qui n’est rien d’autre en somme que l’art d’être à l’aise en société, c’est ce que j’appelle aussi grooming.” (Marc Traverson)
Le Schmoozing est un sport de contact analogique. Vous ne pouvez pas le faire tout seul, depuis votre bureau ou même par le biais du téléphone ou d’un ordinateur. Vous pouvez ne pas aimer ça mais forcez vous à vous rendre à des évènements, conventions, soirées et séminaires. “Il est peu probable que vous signiez un gros contrat avec quelqu’un que vous avez rencontré en ligne sur MySpace ou via Skype. Sortez, rencontrez vos contacts en chair et en os !” (Jean-François Ruiz)
Pour faire simple, l’idée du schmoozing est “qu’il vaut mieux connaître quelqu’un avant d’en avoir même besoin”. Il faut être proactif pour connaître un maximum de personnes avant même de chercher a faire du business avec ces dernières. Et “connaître” ne veut pas juste dire avoir le nom de la personne, mais bel bien avoir déjà entamé une relation, une connexion. D’autant plus que le “schmoozing” c’est aussi et surtout essayer d’être utile aux autres sans en attendre quoi que ce soit en retour de suite. (Cedric Giorgi)
Pour cultiver votre sens de l’observation et votre habileté relationnelle, et apprendre à décrypter toutes les ficelles (sinon les finesses) du comportement humain, je vous encourage à consulter le regard de Marie Muzard sur les comportements sociaux :
“Barack Obama a démontré qu’il était le plus populaire, condition sine qua non pour pouvoir revendiquer la place de chef chez les chimpanzés. Un chef chimpanzé doit prouver qu’il est le meilleur en grooming. Cette activité sociale consiste à caresser, épouiller, chatouiller, enlacer les membres de sa tribu afin d’accroître le plus possible sa popularité.
Dans le monde chimpanzé, c’est par l’habileté sociale que les chefs s’imposent. Barack Obama a réussi « à caresser dans le sens du poil » la majorité de sa communauté, depuis l’intelligentsia, les médias, en passant par la middle class, les minorités ethniques et les jeunes. Il a utilisé tous les moyens de communication humains les plus modernes en particulier internet pour délivrer ses messages d’espoir à chaque tribu. Il a su déployer sa séduction pour rallier les suffrages féminins, qui sont souvent décisifs dans l’élection des chefs chimpanzés.”
A lire sur le sujet :
- Homme et singe – points de convergence et de divergence (Hominidés.com)
- Des patrons et des singes (Vincent Nouzille, 15 avril 1993)
- Connaissez-vous le “schmoozing” ? (Marc Traverson, 20 décembre 2007)
- L’art du Schmoozing – networking efficace (Jean-François Ruiz, 03 décembre 2007)
- Schmoozing : une façon particulière de concevoir le networking (Cedric Giorgi, 10 août 2008)
Bonjour 😉
C’est une source de réflexion intéressante. Le “bonjour, comment ça va ?” soulève aussi beaucoup d’interrogation. Comment ça va quoi ? la santé ? le travail ? la famille ? En fait cela peut vouloir dire le contraire de ce que l’on comprend de prime abord : “Je m’en fous de toi, de ta santé, de ta petite famille… T’as fait combien de chiffre d’affaire hier ???”.
Même si dire bonjour, représente en théorie une expression courtoise pour dire, tu peux t’approcher, je ne vais pas te faire de mal, en entreprise la relation est vite différente puisque l’objet est de se mettre au service de l’autre qui accepte le bonjour comme un acte de soumission, de servitude. Il se transforme de je ne vais pas te faire de mal en, obéis à ma convenance de telle heure à telle heure.