Cet article présente une synthèse des informations disponibles sur le Web concernant le “Contrat à durée indéterminée de chantier” (CDIC), afin d’éviter les abus, les litiges ou les malentendus qui pourraient découler d’un manque d’information ou d’un défaut de son utilisation.
Le contrat de chantier est celui par lequel un employeur engage un salarié en lui indiquant dès l’embauche que le louage de service est exclusivement lié à la réalisation d’un ouvrage ou de travaux précis mais dont la durée ne peut être préalablement définie avec certitude.
Contenu du contrat
Le contrat de travail pour la durée de chantier est un contrat à durée indéterminée. De ce fait, il convient de faire apparaître dans le contrat de chantier :
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la date de début du contrat,
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le lieu du chantier,
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la durée prévisible de la mission du salarié sur le chantier,
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le poste pour lequel le salarié a été embauché, sa classification, son coefficient et son statut,
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la période d’essai applicable au contrat,
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les éléments du salaire et périodicité de versement,
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la durée du travail journalière ou hebdomadaire de votre salarié,
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la convention collective applicable à votre entreprise,
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éventuellement, la durée du préavis en cas de rupture du contrat,
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les éventuels accords d’entreprise applicables.
Parce qu’il s’agit d’un contrat de chantier, il est impératif d’y faire figurer le nom précis du ou des chantiers pour lesquels vous concluez ce contrat.
Lorsqu’un salarié est embauché sur un chantier, c’est la durée effective du chantier qui détermine la durée du contrat, quand bien même le chantier durerait au-delà de la durée prévisible indiquée dans le contrat.
Contrat – Délai et formalisme à respecter
Comme pour tout contrat à durée indéterminée, aucun délai de remise du contrat à votre salarié n’est imposé par la loi. Il n’y a pas non plus de formalisme obligatoire pour ce type de contrat qui relève d’une pratique « habituelle et régulière » de la profession. Toutefois, compte tenu d’une jurisprudence bien établie, il est fortement conseillé à l’employeur d’établir un écrit et d’insérer dans les contrats une clause faisant mention expresse du chantier sur lequel le salarié est embauché.
Le contrat de chantier étant un contrat à durée indéterminée, le licenciement pour fin de chantier ne se fait pas automatiquement à la fin du chantier, il doit suivre la procédure légale du licenciement individuel : la convocation à un entretien préalable et l’envoi d’une lettre de licenciement sont obligatoires.
A défaut de mention expresse stipulant que le contrat est établi pour la durée d’un chantier, il pourra être requalifié en contrat à durée indéterminée classique par les juges compétents.
Notre conseil : Quelle que soit la durée estimée du chantier pour lequel vous recrutez le salarié, ne prévoyez pas de date de fin de contrat afin de n’être tenu par aucune obligation de renouvellement de contrat. Il peut être mis fin au contrat de travail à l’issue de la mission sur le chantier.
Renouvellement du contrat à durée de chantier
Suite à la signature d’un nouveau chantier important, vous souhaitez reconduire le contrat de chantier d’un salarié que vous aviez embauché pour faire face au surcroît d’activité d’un précédent chantier.
L’avenant au contrat de travail est conclu pour la durée d’un nouveau chantier, mais reste un contrat à durée indéterminée.
Il convient de rappeler les modalités du contrat de chantier initial et, plus particulièrement :
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la date d’embauche initiale,
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l’affectation du premier chantier,
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la fin supposée de ce chantier,
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le poste pour lequel le salarié a été embauché, sa classification, son coefficient et son statut.
Il faut également faire apparaître la date de début du nouveau chantier ainsi que son intitulé.
Pour le reste des éléments à mentionner sur un contrat de travail, un simple renvoi aux modalités du contrat initial suffit.
Avenant – Délai et formalisme à respecter
Dans le cas d’un avenant au contrat de chantier, il convient de remettre ce contrat au salarié avant l’arrivée du terme du contrat de chantier initial.
Le renouvellement doit être écrit et expressément accepté par votre salarié. Il peut lui parvenir en lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) ou lui être remis en mains propres contre décharge.
Rupture du contrat de travail à l’issue du chantier
Le licenciement pour fin de chantier est applicable dans les cas suivants :
- Licenciements de personnes dont le réemploi ne peut être assuré lors de l’achèvement des tâches qui leur étaient confiées, lorsque ces personnes ont été employées sur un ou plusieurs chantiers.
- Licenciements de personnes engagées sur un chantier de longue durée dont le réemploi ne peut être assuré lors de l’achèvement sur ce chantier des tâches qui leur étaient confiées.
- Licenciements de personnes qui, quelle que soit leur ancienneté, ont refusé, à l’achèvement d’un chantier, l’offre faite par écrit d’être occupées sur un autre chantier, y compris en grand déplacement, dans les conditions conventionnelles applicables à l’entreprise.
En cas de licenciement du salarié, un préavis est dû conformément aux dispositions conventionnelles de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques. La lettre de licenciement devra mentionner les possibilités d’accès au dispositif de formation institué par l’article 4 du présent accord.
Dans tous les cas, les salariés détachés sur des chantiers en France ou à l’étranger bénéficient de plein droit des dispositions conventionnelles.
Information et consultation des instances représentatives du personnel
Toute entreprise envisageant de licencier sur une même période de 30 jours de 2 à 9 salariés pour fin de chantier, dans les conditions prévues ci-dessus, doit informer et consulter préalablement le comité d’entreprise (ou à défaut les délégués du personnel). Chaque salarié sera convoqué à un entretien préalable 7 jours francs avant la notification des licenciements pour fin de chantier.
Toute entreprise envisageant de licencier plus de 10 salariés pour fin de chantier, sur une même période de 30 jours, dans les conditions prévues ci-dessus, doit informer et consulter le comité d’entreprise (ou à défaut les délégués du personnel) 30 jours francs avant la notification des licenciements pour fin de chantier.
Lors de la réunion du comité d’entreprise (ou à défaut les délégués du personnel) seront étudiées les possibilités de reclassement au sein de l’entreprise ou sur d’autres chantiers.
Le procès verbal de séance signé par le Président et le Secrétaire du comité d’entreprise mentionnera le contenu de cette information et consultation, notamment les éventuelles propositions de reclassement.
N.B. : Ces dispositions à l’égard des instances représentatives du personnel sont celles relatives aux fins de chantier dans l’ingénierie (syntec informatique).
Obligations et sanctions
A l’issue d’un chantier l’employeur doit réaffecter ses salariés sur un autre chantier et ne pas les licencier. S’il ne peut le faire pour un motif sérieux (ex : sur-effectif ou non-qualification du personnel), il est autorisé à licencier le salarié.
Selon la Cour d’appel de paris le 27 mars 2002 (aff. n°02–349) dans une affaire opposant la Société Cossuta à M. Soukouna, en vertu de la pratique habituelle suivie dans les professions du bâtiment, applicable en l’espèce, l’employeur aurait dû, à l’issue du chantier, en fonction des possibilités de l’entreprise, réaffecter le salarié licencié sur un autre chantier.
Et en l’absence de tout élément permettant de dire qu’un tel réemploi ne pouvait être assuré, le licenciement intervenu doit être considéré comme abusif.
Mise à jour février 2010
Contrat de chantier : seule la fin effective du chantier permet de le rompre (26/01/2010)
Le contrat de chantier est un contrat à durée indéterminée (CDI) particulier. Il permet en effet de mettre un terme au contrat de travail lorsque le chantier pour lequel il a été conclu est fini. Et il faut bien que ce soit le chantier qui soit terminé, pas uniquement la mission du salarié.
Le contrat de chantier est un contrat à durée indéterminée (CDI) ayant pour objet l’accompagnement d’un chantier.
Il s’agit toutefois d’un CDI particulier, car il comporte une clause de rupture prédéterminée : la fin du chantier. Le licenciement est alors soumis à la procédure du licenciement pour cause personnelle.
Mais attention : pour constituer une cause de licenciement, l’achèvement du chantier doit être effectif.
Ce n’est pas le cas si la mission du salarié est terminée mais que d’autres salariés sont encore en activité sur le chantier.
Exemple :
Un salarié est embauché par une entreprise pour assurer une assistance technique au sein d’une autre entreprise.
Le contrat de travail précisait que « la fin du contrat d’assistance technique constituerait une cause réelle et sérieuse de rupture du présent contrat à durée indéterminée ».
Or, la société cliente décide de ne conserver que 3 des 5 salariés mis à sa disposition dans le cadre du contrat d’assistance. Suite à cette décision, l’employeur licencie le salarié. A tort selon les juges : le contrat d’assistance technique étant toujours en cours, il n’était pas possible de licencier le salarié pour fin de chantier.
Cette décision ne concernait pas directement le BTP, mais il ne fait nul doute qu’elle s’applique également à ce secteur, car le recours aux contrats de chantier y est habituel et fait partie de « l’exercice régulier de la profession » (Code du travail, art. L. 1236–8).
Soyez donc vigilant à ne pas embaucher en contrat de chantier des salariés pour lesquels vous savez qu’ils ne seront pas occupés jusqu’à la fin de ce dernier.
A. Ninucci – Article publié le 26 janvier 2010 – Source : Editions Tissot
(Cour de cassation, chambre sociale, 6 janvier 2010, n° 08–44059 : le licenciement pour fin de chantier n’est pas possible tant que le chantier n’est pas terminé)
Mise à jour juillet 2013
Nouvelle Calédonie : le licenciement doit être exclusivement justifié par la fin du chantier visé (27/06/2013)
Sauf à ce qu’il soit conclu dans les cas énumérés à l’article Lp 123–2 du code du travail de Nouvelle Calédonie (qui énumère les cas de recours limitatifs aux contrats à durée déterminée), le contrat de travail conclu pour la durée d’un chantier est un contrat à durée indéterminée, la mention dans le contrat de la durée prévisible n’affectant pas cette qualification (Cass. Soc., 7 mars 2007).
L’achèvement d’un chantier constitue une cause de licenciement si le contrat a été conclu pour la durée de ce chantier (Cass. soc., 16 nov. 2005), peu importe que la durée estimée de ce chantier ait été mentionnée dans le contrat et que cette durée ait été dépassée (Cass. soc., 15 nov. 2006).
Le licenciement doit être exclusivement justifié par la fin du chantier visé, celle-ci devant être réelle, une simple réduction de l’activité d’un chantier qui subsiste n’étant pas une fin de chantier lorsqu’elle entraîne seulement une diminution même importante des travaux auxquels était affecté le salarié (Cass. Soc. 4 octobre 1989, 12 février 2002 et 16 novembre 2005).
L’utilisation de ce type de contrat, dérogatoire au contrat habituel qu’est le contrat à durée indéterminée, doit être exceptionnelle et ne doit pas avoir pour finalité de déroger aux règles du licenciement des contrats indéterminées en maintenant le salarié dans une situation de précarité.
Exemple :
La Société X… embauche début 2006 en CDIC le salarié Y… pour un poste de Conseiller R.H. dont la raison d’être est “d’assurer le traitement des dossiers de recrutement sous sa responsabilité jusqu’à la finalisation et la clôture des dits dossiers”, jusqu’à la date prévisible d’entrée en production d’une usine métallurgique en phase de construction. La date prévisible d’entrée en production stipulée dans son contrat de travail est fixée “à la fin du second semestre 2007”.
Le licenciement pour fin de chantier de M. Y… intervient en septembre 2009, l’entrée en production ayant été repoussée à une date indéterminée. Celui-ci ayant traité alors la quasi intégralité des dossiers de recrutement qui lui ont été confiés, selon l’entreprise son poste n’a plus de raison d’être, ce qui justifie son licenciement pour fin de chantier.
Attendu qu’il convient cependant de rappeler que le contrat de travail était effectivement intitulé “contrat de travail à durée indéterminée pour la durée du chantier de l’usine de la société X…”, qu’il mentionnait que “le présent contrat sera résilié à la fin des tâches ou de la mission précisée au présent contrat”, et spécifiait tout spécialement dans des mentions encadrées et en caractères gras que : “ce poste est spécifiquement relié à la période de construction de l’usine métallurgique de X… et n’aura plus de raison d’être quand X… entrera en phase d’opération à compter de la fin du 2nd semestre 2007. La société X… devra donc procéder, à cette période, à la rupture du contrat de travail le liant à M. Y…”.
Attendu qu’en dépit de cette condition essentielle du contrat de travail, la Cour est conduite à constater que la société X… ne donne aucune information quant à la date d’entrée en production de l’usine initialement prévue à la fin du second trimestre 2007, admettant que la date ainsi prévue n’était qu’indicative et qu’elle a bien été repoussée, ce qui explique que M. Y… n’a pas été licencié à la fin du second trimestre 2007.
Attendu que la société X… ne rapporte cependant aucunement la preuve que la phase d’opération de l’usine était acquise en septembre 2009, date du licenciement de M. Y… ; que l’employeur, qui se limite ainsi à soutenir que le contrat pouvait être rompu avant la date d’entrée en production de l’usine dès lors que M. Y… avait traité la quasi-totalité des dossiers de recrutements qui lui avaient été confiés, n’était pas fondé à licencier M. Y… .
(Cour d’appel de Nouméa, chambre sociale. Audience publique du jeudi 27 juin 2013. N° de RG : 12/00154.)
Dans le cas présent, l’erreur commise par l’entreprise a été de ne pas définir de façon suffisamment claire le motif justifiant le recours au CDIC. De fait, l’entreprise a licencié le salarié indépendamment de la réalisation effective du chantier, à une date non justifiée contractuellement, constituant ainsi un usage abusif du CDIC et une rupture sans cause réelle et sérieuse du contrat de travail.
Par application des dispositions de l’article Lp 122–35 du code du travail de Nouvelle Calédonie, si le licenciement du salarié survient sans que la procédure requise ait été observée mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l’employeur d’accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
Si ce licenciement survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge octroie une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, en cas de deux ans ou plus d’ancienneté ; lorsque l’ancienneté du salarié est inférieure à deux ans, dans ce cas de licenciement pour cause non réelle et sérieuse, l’indemnité octroyée par le juge est en fonction du préjudice subi et peut de ce fait être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Mise à jour octobre 2017
Loi Travail (réforme du travail), ordonnances “Macron” : le CDI de chantier ou d’opération élargi
Actuellement, le CDI de chantier n’est pas encadré par la loi. On peut y recourir dans tous les secteurs où sont habituellement organisés des “chantiers”. Certaines branches ont déjà encadré ce type de contrats (bâtiment, bureaux d’études). La loi n’encadre que le “licenciement pour fin de chantier”. L’article L1236‑8 du code du travail dispose en effet que “le licenciement qui, à la fin d’un chantier, revêt un caractère normal selon la pratique habituelle et l’exercice régulier de la profession, n’est pas soumis aux dispositions du chapitre III relatives au licenciement pour motif économique, sauf dérogations déterminées par convention ou accord collectif de travail.”.
Selon le projet d’ordonnance (articles 33 et 34), le recours au CDI de chantier serait possible, outre dans les secteurs où son usage est habituel, dans les entreprises couvertes par un accord de branche définissant les raisons d’y recourir. Cet accord devrait fixer un certain nombre de critères :
- la taille des entreprises concernées ;
- les activités éligibles ;
- les mesures d’information du salarié sur la nature de son contrat ;
- les contreparties pour les salariés en termes de rémunération et d’indemnité de licenciement ;
- les garanties en termes de formation pour les salariés concernés.
L’article L.1236–8 actuel du code du travail sur le licenciement pour fin de chantier serait réécrit pour tenir compte de cet encadrement. La fin du chantier ou “la fin des tâches contractuelles” constituerait toujours un motif spécifique de rupture du contrat, et le licenciement qui interviendrait pour ce motif reposerait sur une cause réelle et sérieuse. La convention ou l’accord collectif de branche devrait prévoir en outre des modalités adaptées de rupture du contrat de chantier ou d’opération dans l’hypothèse où le chantier ou l’opération pour lequel ce contrat a été conclu ne peut pas se réaliser ou se termine de manière anticipée.
Ces nouvelles dispositions s’appliqueraient aux contrats conclus postérieurement à la publication de l’ordonnance.
(Source SVP le 07/09/2017 – Ordonnances “Macron” : télétravail, CDD, CDI de chantier…)
Références et informations complémentaires :
- GEOS condamnée pour licenciement fin de chantier et travail dissimulé
- Réforme du code du travail : le CDI de projet dans les plans du gouvernement
- Qu’est-ce que le « CDI de projet » que veut étendre le gouvernement ?
- CDI : tout sur le contrat à durée indéterminée (2024)
- Le CDI de chantier – LegalPlace (20/02/2024)